Adoption et révélations...
- Tu viens de quel pays ?
- Haïti.
- Ouah le pied ! Mais dis-moi, pourquoi t’es venue en France ? Comment il doit faire trop bon vivre là-bas…
- Je sais pas j’ai été adoptée à l’âge de neuf mois…
- …
En général, cette révélation jette un froid dans la conversation. A croire que le sujet est trop épineux, donc à prendre avec des pincettes, ou pas…
- Et, tu n’y es jamais retournée ?
- Non, pas encore eu l’occasion !
- Attends, t’as 23 ans ! T’as pas envie de retrouver tes vrais parents ?
- Tu entends quoi par ‘‘vrais parents’’ ?
- Bah, tu vois bien ?
- Ah, tu veux parler de mes géniteurs ? Et bien non, pas pour le moment !
- Je sais pas. Mais moi à ta place, je rechercherais mes vrais parents…
- T’es pas à ma place et sache pour ta gouverne que je vis déjà avec mes ‘‘vrais parents’’…
Les néophytes ont toujours des difficultés à intégrer ce concept.
- T’as vraiment de la chance ! Tes parents adoptifs s’occupent vraiment bien de toi. Et en plus, ils te paient tes études…
- Comme n’importe quels parents !
- Oui mais là, je veux dire, ils ne sont pas vraiment obligés de faire ça. Ce ne sont que tes parents adoptifs après tout ! Avoir des parents aussi gentils… T’as vraiment pas à te plaindre.
A chaque fois, on me fait le coup de la culpabilité ! Et ça commence sérieusement à me taper sur le système. Quand j’étais ado, je réclamais simplement le droit de me plaindre et de me sentir mal dans ma peau comme tout ado occidental.
A plus fortes raisons que je souffrais à l’époque d’une carence cardinale (en références aux points cardinaux et à mon manque de repères) et affective.
Vous connaissez l’expression ‘‘membre fantôme’’ qui bien qu’absent continu à faire souffrir son propriétaire ? Et bien, je vais vous révéler un scoop, pour nous les enfants issus de l’adoption, c’est la même chose. Nous nous sentons comme amputer d’une partie de nous-même. Mais ça, en général, les non-concernés ne peuvent le comprendre. Ils se bornent à se positionner du côté des parents, sans prendre en considération notre traumatisme.
Loin de moi l’idée de m’apitoyer sur mon sort, mais, au même titre qu’un enfant dit ‘‘naturel’’, comprenez que mis à part le respect, je ne dois rien d’autre à mes parents. Vous me trouvez ingrate ? Remplacer donc les liens du cœur par les liens du sang. Vous trouverez normal, vous, qu’un enfant ‘‘naturel’’ se lève de bon matin, réunisse ses parents dans le living room autour d’une tasse de thé et déclare solennellement :
‘‘Je profite de ce jour pour vous bénir. Sincèrement, je remercie le ciel tous les jours d’avoir eu la chance de naître dans cette famille. Je vous suis reconnaissante pour tout, veuillez par conséquent recevoir toute ma gratitude’’.
Inconcevable ? Nous sommes d’accord. Alors, ce chapitre peut être clos.